Le style wabi sabi en décoration d’intérieur

Vous connaissez mon aversion pour la décoration édulcorée des magazines, aux couleurs consensuelles à la mode et surtout affichant un manque de personnalité affligeant… sans compter le minimalisme, qui n’est habituellement pas ma tasse de thé ! Pourtant, ce mois-ci, je vous fais découvrir une tendance franchement épurée (monacale ?) qui s’est imposée depuis quelques années maintenant et qui nous arrive du Japon : la déco Wabi Sabi. Son succès est sans doute dû au regain d’intérêt pour le savoir faire artisanal, les meubles et objets dénichés dans les brocantes et marchés aux puces et portant la marque du temps et « l’esprit zen » d’inspiration asiatique que se plaisent à afficher les citadins surbookés.
Qu’est ce que la tendance Wabi Sabi ? Comment adopter ce style dans nos intérieurs ? Quels sont les mots clés qui permettent de garder le cap ?
Wabi : sobriété, simplicité, solitude (comme philosophie de vie), mélancolie, nature
Sabi : imperfection des objets, décrépitude, altération, usure du temps (la patine, la vraie)
Ainsi, cette tendance (poétique et harmonieuse) est à rebours de l’uniformisation, des conventions où tout est lisse et sans relief, sans aspérité … et c’est là que je suis en parfait accord avec ce style. D’autant qu’ici, l’esthétique s’accommode parfaitement de l’usure, de l’imperfection, du vieillissement.
Historiquement « l’état d’esprit Wabi Sabi » est une critique de la classe dominante japonaise qui privilégiait le luxe. L’artisanat imparfait et rustique était donc placé au même niveau que les productions d’apparat japonaises ou chinoises, notamment en ce qui concerne les arts de la table et la cérémonie du thé.
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Peu à peu cette tendance a révolutionné les codes en matière de décoration, d’ameublement et d’ornementation en critiquant la richesse et le luxe. Cela me fait penser à la rivalité entre Cluny et Cîteaux à l’époque médiévale en Occident. Bref, un retour à la simplicité et à la pauvreté originelles… Déjà vu… mais ça marche … donc une idée vieille comme le monde mais qui fait ses preuves en décoration d’intérieur.

Les espaces et les volumes ici devront davantage être vastes et ouverts sans cloisonnements trop importants. La multitude de petites pièces fermées n’est pas l’idéal même si l’on peut aisément y donner une touche Wabi Sabi (avec quelques accessoires ou un meuble isolé). La sobriété, ici, s’accorde avec les espaces ouverts, des hauteurs sous plafonds importantes. En revanche des logements à la répartition alambiquée ou atypique conviendront parfaitement, à condition que le cloisonnement soit ouvert. L’essentiel ici, c’est le « dépouillement » voire l’ascétisme.

Les couleurs devront ici être naturelles, neutres et/ou surannées. Toutes les teintes de terres et les ocres seront les bienvenues tandis que les verts (sauge, olivier), les vieux roses, les gris (clairs ou foncés), le noir et le blanc pourront être utilisées. Ainsi on peut aisément marier des couleurs inspirées de la matière brute et minérale avec celles de la végétation, de l’indigo, des oxydes.

En ce qui concerne le mobilier et les accessoires, on ne perd pas de vue que « tout se transforme » et « tout se recycle » ! Ainsi, les meubles anciens peuvent être réutilisés. Attention toutefois, pas de mobilier de style mais plutôt des établis anciens, de grandes tables rustiques, des caisses … Les rondins de bois peuvent aisément servir de bases de tables ou de tabourets. Les étagères peuvent être moulées dans les murs avec le béton. Les accessoires sont nombreux et devront porter la marque du temps mais également celle de l’artisanat (et donc de l’homme) ancien. Ils sont épurés, bruts et imparfaits : vases irréguliers, plaids aux couleurs passées, tissus grossiers, luminaires en osier maladroitement tressés mais également pierres taillées, branchages, bouquets de fleurs de coton, tapis en coco, coussins et plaids en lin…

Enfin, en ce qui concerne la lumière, tout est possible. Ainsi un intérieur largement éclairé de lumière naturelle ou un logement plus sombre avec de petites ouvertures pourront convenir. On pourra également diminuer la luminosité avec des persiennes ou des paravents ou apporter de la clarté avec des sources lumineuses artificielles (lustres organiques et king size, bougies

Et la décoration Wabi Sabi s’invite dans toutes les pièces, de la salle à manger au salon, de la chambre à la salle de bain en passant par les bureaux et les cuisines. Le tout est d’être cohérent et surtout épuré, sobre.

Alors que faire pour notre mobilier ? On choisit déjà soigneusement les meubles et les styles que l’on va installer. Inutile ici d’exposer nos « meubles Louis », on choisit du rustique, du mobilier de ferme, des établis de menuisier, du bois récupéré. On garde en tête les mots « simplicité » et « rusticité ». Et puis on met en valeur (ou on crée) la patine. Les vieux meubles en bois usés peuvent être simplement ciré pour conserver leur aspect ou l’on peut les patiner à la peinture mate en usant arêtes, poignées, pieds… On garde également une finition mate, pas de vernis satinés ou brillants. La couleur du bois (claire ou foncée) peut ainsi convenir parfaitement. Si l’on décide de patiner à la peinture on choisira les teintes évoquées plus haut : terres, ocres, certains verts, noir, gris, blancs chauds, aspect bois flotté…
Quelques exemples.

Ce rapide petit tour d’horizon du style Wabi Sabi est terminé, j’espère qu’il vous aura plus. Pour moi, c’est la première fois que j’adhère (vraiment) à un style aussi épuré. Sans doute parce qu’il met à l’honneur la marque du temps qui passe et l’imperfection …